Ils ont la parole
Témoignages
Une maman combative et résiliente
Ne lâchez rien, continuez à aller de l’avant et faites tout votre possible pour que votre enfant soit inclus dans sa ville. Ne craignez pas d’être jugé. Seul votre enfant est important.
Simone Blanchier est la mère de 4 enfants, dont François qui habite actuellement à la Résidence des Amis. Elle raconte son parcours de maman d’un enfant en situation de handicap dans les années 70. Cette ancienne infirmière a dû faire preuve de résilience et d’une grande détermination, comprenant très tôt que le bonheur de son enfant passait par son inclusion dans la société.
Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre fils François ?
François a 58 ans. Il est le deuxième enfant d’une fratrie de 3 frères et 1 soeur.
Depuis son enfance, au sein de notre famille, il a toujours été encouragé à être autonome. François marcha très tard, à 2 ans, aujourd’hui il fait régulièrement 3 kilomètres pour venir chez moi ou pour aller à la Résidence des Amis de la Fondation. Il a toujours su parfaitement s’orienter. En effet, quand nous allons en forêt, c’est souvent lui qui m’aide à retrouver le chemin, car sans lui, je serais perdue.
A l’âge de 12 ans il prenait seul le bus avec un changement pour aller à l’hôpital Henri Roussel, sans savoir lire mais il savait reconnaître les bus par leur couleur, le bleu puis le vert. Aujourd’hui il n’y a plus de couleur sur ces bus, ce qui est dommage.
Il adore cuisiner et me prépare mes repas le week-end pour la semaine. François apprend à écrire avec l’aide d’une orthophoniste, une activité dont il est très fier. Pour se rendre à chaque séance, il marche 45 minutes et n’en manquerait une pour rien au monde. François est un homme autonome, qui a énormément enrichi notre famille. En me replongeant dans les années 1970, je réalise combien son parcours est une victoire, alors que tout semblait si incertain à l’époque et que l’on ne parlait pas d’inclusion mais d’enfermement au sein d’hôpitaux psychiatrique.
Comment décririez-vous cette période des années 70 ?
C’était une époque, où la majorité des personnes, dites normales, ne souhaitait pas voir de personnes handicapées, que ce soit avec handicap mental ou physique. Mon médecin m’avait conseillé de consulter un psychiatre pour François, considérant que s’il était ainsi c’était parce que je ne savais pas l’éduquer, et que c’était de ma faute. En effet les médecins avaient tendance à culpabiliser les mères, attribuant tout problème chez l’enfant à une faute supposée de la mère.
Ce psychiatre, à son tour, m’avait recommandé de le faire interner dans un hôpital psychiatrique à Saint-Anne, dans un pavillon spécialisé pour les enfants.
À cette époque, l’internement signifiait l’enfermement, sans lien avec l’extérieur ni interactions sociales. Ayant travaillé comme infirmière en hôpital psychiatrique à La Rochelle, je connaissais bien cette réalité. Il était impensable pour moi que François subisse un tel traitement. Malgré de nombreux jugements extérieurs, j’ai toujours cru en François et en ses capacités de pouvoir vivre en société.
Entouré de ses frères et de sa soeur, il a progressé à son rythme, devenant de plus en plus autonome.
Dans les années 70, pour que nos enfants soient suivis sans être internés, les mères avaient l’obligation de participer à des thérapies de groupe, car on les considérait responsables des troubles de leurs enfants. Ainsi, j’assistais à ces séances afin qu’ils s’occupent au mieux de François.
Pouvez-vous raconter la création d’un centre pour personne en situation de handicap ?
En 1981, la découverte du syndrome X Fragile a permis de mettre un nom sur les troubles de François et de plusieurs autres enfants du groupe. Cela a été un immense soulagement pour moi ainsi que bien des parents. Ensemble, nous avons décidé de créer un centre dédié aux personnes en situation de handicap mental. Après de nombreuses démarches administratives, nous avons fondé un centre au Plessis-Robinson, le 20 septembre 1993. Le but était que chaque ville possède un accueil pour ses handicapés mentaux et physiques. Le centre s’est ensuite rapproché de l’Association des Amis de l’Atelier le 5 février 2011. Grâce à cette structure, nos enfants, devenus adultes, peuvent s’intégrer pleinement au sein de leur ville.
Aujourd’hui, comment voyez-vous l’avenir pour François ?
François a été une source d’enrichissement humain pour ses frères et sa soeur, ainsi que pour ses 20 neveux et nièces, qui ont tous grandi avec une acceptation naturelle de la différence. Je suis très fière de lui, de sa détermination et de sa sérénité. Même si je suis âgée de plus de 80 printemps et que je ne serai pas toujours présente, je sais que François sera entouré par sa famille, et par les équipes de professionnels de la Fondation, qui sont impliquées dans l’épanouissement de nos enfants, grâce à leur investissement et à leurs idées novatrices. Cela me rassure de savoir qu’il continuera à être inclus dans le monde dit « ordinaire ».
Quel serait votre souhait pour une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap ?
Je souhaite que l’inclusion commence dès l’école maternelle. François a montré que la différence peut enrichir profondément ceux qui l’entourent. Les psychiatres me disaient qu’il serait un frein pour ses frères et sa soeur, mais il a été tout le contraire. Son frère ainé dit « Chacun dans ce monde à des qualités différentes et c’est une richesse ». J’ai eu raison de croire en François et de lui offrir la possibilité de mener une vie épanouie, malgré son handicap.
Quel serait votre conseil pour les familles de personnes en situation de handicap ?
Ne lâchez rien, continuez à aller de l’avant et faites tout votre possible pour que votre enfant soit inclus dans sa ville. Ne craignez pas d’être jugé. Seul votre enfant est important.