Ils ont la parole
Témoignages
Chargée du recrutement et de l'accompagnement des volontaires au comité d'organisation des JOP de Paris 2024
Nous avons prouvé que l’inclusion n’est pas seulement un concept, mais qu’elle peut être mise en pratique de manière concrète, avec des résultats incroyables.
Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont été portés par l’énergie de 45 000 volontaires, une force indispensable au succès de cet événement planétaire. Parmi eux, 2500 volontaires (5% du programme) en situation de handicap ont non seulement participé, mais ont redéfini les standards de l’inclusion dans un événement d’une telle envergure. Pour la première fois dans l’histoire des Jeux, l’intégration de ces volontaires a été pensée à grande échelle, marquant un tournant dans la manière d’envisager la diversité et l’accessibilité. Au coeur de ce changement, Marie-Lou Noirot a joué un rôle essentiel, elle a su transformer une ambition en réalité. Grâce à son engagement, les Jeux de Paris 2024 ont non seulement célébré le sport, mais aussi la capacité de chacun à contribuer, quel que soit son handicap. Pour en savoir plus sur la mise en oeuvre de ce projet inédit et les défis relevés, nous avons rencontré Marie-Lou Noirot, qui revient sur son expérience et les enseignements tirés de cette aventure humaine exceptionnelle.
Bonjour Marie-Lou, pouvez-vous nous expliquer comment ce projet d’inclusion des bénévoles en situation de handicap a vu le jour et quel a été votre rôle dans sa mise en place ?
Marie-Lou Noirot : Bonjour. Ce projet a vraiment commencé à prendre forme en 2019, lorsqu’il a été décidé d’inclure des personnes en situation de handicap parmi
les bénévoles des grands événements sportifs en France, notamment pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. L’idée était de faire de ces Jeux un exemple d’inclusion et d’accessibilité. Lorsque je suis arrivée en décembre 2022, le projet était déjà bien avancé, mais il restait beaucoup à faire pour concrétiser cet objectif ambitieux. Mon rôle a été de coordonner ce programme en collaboration avec la Direction Interministérielle des Jeux Olympiques et Paralympiques (DIJOP) et divers organismes partenaires, dont la Fondation des Amis de l’Atelier. Il s’agissait de sélectionner ces bénévoles, de les former, et surtout de leur garantir des missions adaptées à leurs besoins spécifiques. C’était un projet de grande envergure, mais extrêmement gratifiant.
Quels ont été les principaux défis rencontrés dans la réalisation de cet objectif ambitieux ?
Le premier défi a été de mobiliser les bénévoles en situation de handicap. Nous devions non seulement les recruter, mais aussi comprendre leurs besoins pour adapter les missions en conséquence. Cela a nécessité de nombreux échanges avec les candidats, plus de 6 000 en tout, pour s’assurer que chacun soit à l’aise dans sa mission. Finalement, nous avons réussi à impliquer 2500 volontaires en situation de handicap, dont 800 volontaires du projet DIJOP et 500 qui ont eu des missions spécifiquement adaptées. Ces missions ont été pensées pour être réalisables avec leurs contraintes psychiques, sociales ou cognitives, permettant ainsi de vivre une expérience enrichissante et utile. Un autre défi majeur a été de convaincre les équipes internes d’accepter cette inclusion. Beaucoup craignaient que cela n’ajoute une charge de travail supplémentaire, ou que les bénévoles en situation de handicap ne soient pas capables de remplir les missions qui leur seraient confiées. Mais grâce à une préparation minutieuse et à l’implication des accompagnants, ces craintes ont été dissipées.
Vous parlez d’accompagnants. Quel rôle ont-ils joué dans ce projet ?
Les accompagnants ont été essentiels à la réussite de ce projet. Il s’agit d’une nouvelle catégorie de personnes qui n’existait pas lors des précédentes éditions des Jeux. Leur rôle était d’assister les bénévoles en situation de handicap dans l’accomplissement de leurs missions, tout en les aidant à naviguer dans un environnement qui pouvait parfois être complexe. Les accompagnants étaient souvent des éducateurs spécialisés, des auxiliaires de vie ou des membres de la famille des bénévoles. Ils ont joué un rôle de facilitateur, permettant aux bénévoles de se concentrer sur leurs tâches tout en étant soutenus si besoin. Grâce aux accompagnants, les équipes ont pu se concentrer sur leur travail, sachant que les bénévoles en situation de handicap étaient entre de bonnes mains.
Comment ces missions ont-elles été organisées pour les bénévoles en situation de handicap ? Avez-vous dû faire des ajustements en cours de route ?
Les missions principales identifiées pour ces bénévoles étaient l’accueil des spectateurs, l’accueil des transports, et les services aux volontaires. Ces tâches ont été choisies pour leur accessibilité, mais aussi pour leur flexibilité. Nous avons mis en place des micro-tâches, c’est-à-dire des petites tâches qui pouvaient être effectuées en peu de temps, permettant ainsi aux bénévoles de participer sans être surchargés. Par exemple, certains bénévoles étaient responsables de distribuer des serviettes propres aux athlètes dans le centre de fitness ou d’aider à la gestion des flux de transport sur le site. D’autres accueillaient les spectateurs à l’entrée des sites de compétition. Nous avons mis en place certains ajustements afin que chaque bénévole trouve sa place et contribue à l’aventure, sans se sentir dépassé par la tâche.
Pouvez-vous partager quelques anecdotes du terrain ?
Il y a eu tellement de moments émouvants. Un groupe qui m’a particulièrement marqué est celui de trois hommes qui travaillaient dans une chaîne de production dans leur vie professionnelle. Lorsque nous leur avons proposé une mission consistant à préparer les cadeaux de fin de mission pour les autres volontaires, ils étaient ravis. C’était une tâche répétitive qui ressemblait à leur travail habituel, et ils ont pris cela très à coeur. Ils ont battu tous les records de préparation des sacs cadeaux et étaient tellement fiers de leur contribution. À la fin, l’un d’eux m’a dit : «C’était tellement bien, on se sentait utiles ici». Ce type de retour est exactement ce que nous voulions créer avec ce projet. Un autre moment très touchant a eu lieu avec un bénévole qui, au début de sa mission, était extrêmement timide et ne parlait presque pas. À la fin de son séjour, il est venu me voir et m’a dit «Merci». Ce simple mot a représenté énormément pour moi, car cela montrait qu’il avait trouvé sa place, qu’il s’était ouvert et qu’il avait vécu une expérience positive. Ses accompagnants m’ont dit que c’était rare qu’il parle autant, et cela m’a confirmé que nous avions bien fait de persévérer avec ce projet.
Et en ce qui concerne les bénévoles venant spécifiquement de la Fondation des Amis de l’Atelier, avez-vous des retours ou des exemples particuliers ?
Oui, je tiens à souligner que la Fondation des Amis de l’Atelier a accompli un travail remarquable. Leur engagement dans ce projet a été essentiel à sa réussite. Non seulement ils ont mobilisé un nombre important de bénévoles, 200 bénévoles et 150 accompagnants, mais ils ont également joué un rôle clé dans leur préparation et leur accompagnement. Nous avions travaillé avec Pauline, chargée du projet Si T Bénévole et avons fait beaucoup de visios, si bien que quand le groupe de la Fondation est arrivé sur le village olympique, ils savaient qui j’étais grâce à nos précédents échanges. Ils étaient très impliqués dans leurs missions. Les bénévoles étaient très chaleureux. Ils disaient bonjour à tout le monde, reconnaissaient les personnes qu’ils avaient déjà croisées, et semblaient vraiment profiter de chaque moment. Leur énergie positive a été contagieuse et a renforcé le sentiment de communauté au sein du village olympique. La Fondation des Amis de l’Atelier a vraiment montré qu’avec de la préparation et du soutien, les personnes en situation de handicap peuvent non seulement participer, mais aussi s’épanouir dans un événement d’une telle envergure. Leur travail en amont pour préparer ces bénévoles a été exemplaire, et je tiens à les féliciter pour cette contribution précieuse.
Comment évaluez-vous l’impact global de ce projet d’inclusion sur les Jeux de Paris 2024 ?
Le bilan est extrêmement positif. Non seulement nous avons atteint notre objectif d’inclusion, mais nous avons également démontré qu’il est possible de mener un projet de cette envergure tout en intégrant des personnes en situation de handicap. Cela a non seulement enrichi l’événement, mais aussi eu un impact profond sur tous les participants. Les retours que nous avons reçus, que ce soit de la part des bénévoles eux-mêmes, des accompagnants, ou des équipes opérationnelles, ont tous été extrêmement positifs.
Nous avons prouvé que l’inclusion n’est pas seulement un concept, mais qu’elle peut être mise en pratique de manière concrète, avec des résultats incroyables. Personnellement, je suis très fière de ce que nous avons accompli. Ce projet a
montré que l’inclusion est non seulement possible, mais aussi bénéfique pour tous. Les bénévoles en situation de handicap ont vécu une expérience qu’ils n’oublieront jamais, et cela se voyait dans leurs yeux. C’est une expérience humaine incroyablement enrichissante pour tous, et je suis convaincue que ce projet a laissé une empreinte durable dans l’histoire des Jeux Olympiques.