Ils ont la parole
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En tant que maman, il n’est pas facile de garder la bonne distance.
Yann, 27 ans, est travailleur à l’ESAT de Châtillon sur l’atelier restauration/traiteur depuis 2014. Il était arrivé second à la finale nationale du concours de cuisine « Un pour tous, Tous pour Un » organisé par Sodexo en 2016. C’est à cette occasion que nous avions rencontré sa maman venue l’encourager. Nos échanges nous avaient donné envie d’en savoir plus sur la place complexe de parent de travailleur d’ESAT. La maman de Yann a gentiment accepté de témoigner pour ce nouveau numéro d’Amitiés.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire et le parcours de votre fils Yann ?
Yann est l’aîné de nos 3 enfants. Bien qu’il fût un enfant jovial et facile à vivre, le démarrage a été assez compliqué. Yann a mis beaucoup de temps à parler et à marcher et la crèche nous a rapidement alerté sur ses difficultés. Il a tout de même entamé sa scolarité plus ou moins « normalement ». En CE1, à la demande de son institutrice, nous lui avons fait faire un bilan de compétences à l’hôpital Sainte Anne à Paris. Il a été conclu que Yann était dyspraxique et avait des difficultés à gérer les relations avec autrui. Nous avons alors entamé des séances avec une psychologue pour l’aider à exprimer ses difficultés dans la relation à l’autre. Ce ne fut cependant pas très probant. Avec beaucoup d’accompagnement, d’efforts et des professeurs à l’écoute, Yann est arrivé jusqu’en 4ème. La poursuite de ses études au collège n’étant plus possible, et après une année dans un CFA, Yann est rentré dans une maison familiale rurale pour préparer son CAP.
Comment évoluait Yann en devenant adulte ?
Yann n’était pas complètement conscient de ses difficultés. La communication avec lui était difficile. C’était un jeune homme très influençable, qui avait du mal à juger les situations et ne faisait pas confiance aux
bonnes personnes. Il avait aussi du mal à faire le travail demandé, ne comprenant pas toujours les consignes, soit il ne faisait pas, soit il faisait de travers. Le psychologue de Sainte Anne nous avait conseillé de le laisser le plus longtemps possible dans le milieu ordinaire mais à ses 18 ans, voyant que la situation devenait ingérable pour lui, nous avons fait une demande de reconnaissance à la MDPH*. Je tiens à dire que nous avons alors rencontré des personnes extraordinaires qui ont été clé pour nous dans la prise en charge du handicap de Yann. Il a d’abord été orienté vers un CITL où il est resté 3 ans avant d’être réorienté vers l’ESAT de Châtillon.
Parlez-nous de sa vie de travailleur à l’ESAT de Châtillon et de son prix Sodexo ?
Il a été embauché en janvier 2014 à l’atelier restauration/traiteur. Sa première feuille de paie a été une grande joie pour lui, bien plus qu’une reconnaissance ! C’est cependant difficile de savoir s’il s’y plaît. Il vit à la maison mais ne nous raconte pas beaucoup ses journées. En 2016, il a participé au concours Sodexo, où il est arrivé deuxième. J’étais présente lors de la finale, j’étais très fière de lui ! Cela m’a permis de découvrir son monde professionnel. À cette occasion, j’ai aussi pu discuter avec des professionnels de la Fondation qui m’ont donné de précieux conseils.
Quelle est votre implication dansla vie de Yann, jeune adulte et travailleur autonome ?
J’essaye autant que possible de participer aux événements qui me permettent de partager la vie de mon fils. Aujourd’hui, c’est difficile pour moi de savoir ce qui se passe dans la vie professionnelle de Yann et j’en ressens de la frustration. En tant que maman, il n’est pas facile de garder la bonne distance. Des parents d’enfants en situation de handicap demeurent forcément plus présents que pour d’autres enfants. On s’inquiète de leur avenir et de ce qu’ils deviendront après nous. Cependant je suis bien consciente qu’il faut que je le laisse devenir autonome. Yann a entrepris des démarches pour être suivi par un SAVS et cela me rassurera de savoir qu’il est accompagné dans tous les pans de sa vie et sa citoyenneté.
Quel serait votre message aux lecteurs d’Amitiés ?
Je leur dirais qu’il faut garder beaucoup de confiance et d’espoir. Notre parcours est fait de hauts et de bas mais la vie est faite de belles rencontres et il ne faut jamais se décourager. Les solutions sont là, les structures aussi. Il faut garder l’énergie et au bout du chemin il y aura du positif.